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Assurance chômage: une gestion à contretemps

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19042010

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Assurance chômage: une gestion à contretemps Empty Assurance chômage: une gestion à contretemps




alternativeseconomiques.fr

Les partenaires sociaux ont tendance à restreindre les conditions d'accès à l'assurance chômage en période de crise. Alors qu'il serait plus logique de mieux indemniser les chômeurs lorsque les emplois sont plus rares.

Premiers touchés par la crise, les jeunes et les travailleurs précaires sont aussi les catégories les plus mal indemnisées par l'assurance chômage. La nouvelle convention de l'Unedic, négociée fin 2008, ne corrige cette situation qu'à la marge. Rien d'étonnant: la nécessité d'équilibrer les comptes de l'assurance chômage pousse plutôt à indemniser insuffisamment le chômage quand celui-ci augmente…

L'Unedic a été créée en 1958, alors que l'économie était en plein-emploi, afin de prendre en charge un chômage de transition, de faible durée. Dans les années 1970, le chômage de masse s'est progressivement développé et, avec lui, la précarité de l'emploi. Le patronat, qui cogère l'Unedic, s'est alors refusé à prendre en charge ces nouveaux risques. Il a exigé de l'Etat qu'il s'occupe des chômeurs les plus durablement éloignés de l'emploi. C'est ainsi qu'un régime dit "de solidarité" a été créé en 1984, géré par l'Etat et financé par l'impôt. Sa principale prestation est l'allocation de solidarité spécifique (ASS), versée aux chômeurs en fin de droits ayant cotisé cinq ans au cours des dix dernières années.

La création du revenu minimum d'insertion (RMI) en 1988, également pris en charge par les pouvoirs publics, marque une nouvelle étape. Au départ destiné à garantir un revenu minimum à tout individu (en recherche d'emploi ou non) afin de lutter contre l'extrême pauvreté, ce dispositif est, au fil des ans, devenu le troisième pilier de l'indemnisation du chômage, accueillant un nombre croissant de chômeurs non indemnisés.

Résultat: aujourd'hui, seuls 49,6% des demandeurs d'emploi sont indemnisés par l'Unedic, tandis que 10,4% relèvent du régime de solidarité. Les autres doivent souvent se contenter du RMI (455 euros par mois pour une personne seule) ou ne perçoivent rien. Ainsi, entre novembre 2007 et novembre 2008, on a comptabilisé 161 000 demandeurs d'emploi de plus inscrits à l'ANPE en catégorie 1 (c'est-à-dire des personnes à la recherche d'un emploi en CDI et à temps plein), soit une augmentation de 8,5% sur un an. Sur la même période, le nombre de chômeurs indemnisés (régime de solidarité inclus) n'a augmenté que de 2 400 (+ 0,1%).

933 euros pour vivre

Parallèlement, les durées et les montants de l'indemnisation versée par l'assurance chômage ont été progressivement restreints. Si de 1974 à 1982 l'allocation supplémentaire d'attente assurait jusqu'à 90% de l'ancien salaire brut, le taux de remplacement (*) varie aujourd'hui entre 57% et 65% du salaire brut antérieur. En juin 2008, la moitié des chômeurs indemnisés touchait ainsi moins de 933 euros par mois.

Cette évolution résulte de la volonté patronale de limiter l'augmentation des cotisations. Elle est aussi le fruit de la recherche d'un équilibre à court terme des comptes de l'Unedic. Comme le soulignent les chercheurs Mireille Elbaum et Gérard Cornilleau dans la dernière Lettre de l'OFCE (voir "Pour en savoir plus"), "la situation financière du régime d'assurance chômage est extrêmement sensible aux fluctuations conjoncturelles". En période de contraction de l'emploi, les ressources de l'Unedic baissent (puisque les cotisations chômage sont assises sur la masse salariale), tandis que ses dépenses augmentent. Et vice versa en période d'embellie. Cet effet de ciseaux a pour conséquence, sur les comptes de l'Unedic, "une succession d'excédents et de déficits de grande ampleur".

Si bien que les partenaires sociaux gestionnaires de l'Unedic ont tendance à gérer l'assurance chômage de manière "procyclique": pour limiter l'augmentation des dépenses et faire face à la diminution des recettes, ils durcissent les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi lorsque la conjoncture se dégrade. Du coup, lorsque le chômage augmente, les taux de remplacement et la proportion de chômeurs couverts ont tendance à diminuer (voir graphique). Et un nombre croissant de chômeurs est "déversé" vers l'ASS et surtout le RMI.

Mieux indemniser en mauvaise période


Ce mode de fonctionnement "a un caractère paradoxal", soulignent Mireille Elbaum et Gérard Cornilleau. L'assurance chômage devrait en effet être gérée de manière "contra-cyclique": la bonne gestion macroéconomique, estiment les chercheurs, voudrait que, dans les périodes où "le retour à l'emploi devient plus difficile pour l'ensemble des chômeurs" et où les mesures d'incitation au retour à l'emploi ont moins d'effets (puisque le nombre d'emplois disponibles est plus restreint), on laisse jouer les déficits de l'Unedic en indemnisant mieux et plus longtemps les demandeurs d'emploi, qui auront tous plus de mal à retrouver du travail. Les déficits se creuseraient massivement sur ces périodes, mais seraient compensés à moyen terme par les excédents enregistrés en période de baisse du chômage.

La convention d'assurance chômage négociée fin 2008 (1) ne corrige que partiellement cette tendance à une gestion procyclique de l'Unedic. Dans une période de forte augmentation du chômage, l'accord élargit l'accès à l'assurance chômage de certaines catégories de travailleurs, et notamment de certains précaires: il suffira désormais d'avoir cotisé quatre mois au cours des vingt-huit derniers mois pour être indemnisé, au lieu de six mois au cours des vingt-deux derniers mois. Cependant, lorsqu'un demandeur d'emploi retrouvera du travail, il devra cotiser six mois sur douze pour pouvoir être à nouveau indemnisé. Ce qui restreint drastiquement l'accès des précaires à l'indemnisation.

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Un système qui peine à s'adapter

Entretien avec Mireille Elbaum,
professeure au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), chercheure affiliée à l'OFCE


De nouvelles discussions doivent s'ouvrir sur l'indemnisation chômage des travailleurs précaires et des jeunes. Qu'en pensez-vous?

Depuis une vingtaine d'années, le système d'indemnisation du chômage parvient difficilement à s'adapter aux évolutions structurelles du marché du travail, au développement d'emplois de courte durée et d'un chômage intermittent. Aujourd'hui, les salariés précaires, de plus en plus nombreux sur le marché du travail, sont très mal couverts par le système, de même que les jeunes. Seuls 44% des demandeurs d'emploi de moins de 25 ans sont indemnisés, contre 80% des plus de 50 ans. En outre, depuis la suppression de l'allocation d'insertion en 1992, les moins de 25 ans non indemnisés par l'Unedic ne perçoivent aucune indemnisation, puisqu'ils remplissent rarement les conditions pour accéder à l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et qu'ils n'ont pas droit au revenu minimum d'insertion (RMI) - ni au futur revenu de solidarité active (RSA) -, sauf s'ils assument une charge de famille.

L'ouverture de discussions sur ces thèmes me paraît donc indispensable. Cependant, on peut se demander comment les résultats de ces négociations vont pouvoir s'articuler avec la convention d'assurance chômage qui vient d'être négociée et devrait entrer en vigueur très prochainement.

Vous estimez que le système d'indemnisation des chômeurs continue à souffrir d'un problème d'articulation…

Effectivement, il existe aujourd'hui trois niveaux d'indemnisation du chômage, pris en charge par des acteurs différents. L'assurance chômage est gérée par les partenaires sociaux de l'Unedic, le régime de solidarité (l'ASS) par l'Etat, tandis que le RMI et le futur RSA relèvent de la responsabilité des départements. Or, toute décision de restriction des droits à l'assurance chômage implique forcément des transferts de charge vers les deux autres niveaux d'indemnisation. Pourtant, chacun de ces segments continue d'être géré indépendamment des autres, sans forcément de concertation, ni recherche de rationalité d'ensemble.

Par ailleurs, les effets de l'accord sur les durées d'indemnisation seront assez mitigés. Désormais, cette durée sera égale à la durée de cotisation à l'assurance chômage, dans la limite de vingt-quatre mois (ou trente-six mois pour les plus de 50 ans) (2). Avec ces nouvelles règles, 371 000 demandeurs d'emploi devraient voir leur durée d'indemnisation augmenter, tandis que 168 000 autres la verront baisser, selon Gaby Bonnand, négociateur de l'accord pour la CFDT (3). Le solde serait donc positif. Toutefois, cette évolution reste modeste au regard des 1,5 million de chômeurs actuellement non indemnisés. Et elle est loin de répondre à l'ampleur annoncée de la crise.


* Taux de remplacement : rapport entre le montant de l'allocation chômage et le salaire précédemment perçu
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Régis

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