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Retraites: arrêtons de ne parler que de l'âge légal!

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26052010

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Retraites: arrêtons de ne parler que de l'âge légal! Empty Retraites: arrêtons de ne parler que de l'âge légal!




mediapart.fr

Mardi soir, le ministre du travail Eric Woerth a confirmé à Paris-Match le report de l'âge légal de départ. «C’est une option logique pour le gouvernement. Mais soyons clairs : aucune décision n’a encore été prise sur le niveau auquel il faudrait porter l’âge légal».

Samedi, Le Monde, Les Echos, L'Express ont pourtant publié sur leur site internet trois articles (sans sources, sauf Les Echos qui évoque de «très bonnes sources» gouvernementales), qui donnaient une vision très précise de la réforme à venir :

L'âge légal de départ à la retraite sera repoussé à 62 voire 63 ans.
La durée de cotisation continuera à augmenter (ce sera 41,5 ans en 2020).
La taxe sur les hauts revenus proposée par le chef de l'Etat devrait avoisiner 600 millions d'euros – ce que le bouclier fiscal coûte à l'Etat.
Le gouvernement réfléchit à «3,5 à 4 milliards d'euros» de recettes nouvelles pour le système de retraites d'ici à 2020. Les cotisations retraites pourraient augmenter, hausse compensée par une baisse des cotisations-chômage sitôt que l'emploi repartira.
Plutôt que d'aligner le calcul des pensions des fonctionnaires sur le privé, il envisage d'augmenter leurs cotisations retraites, hausse progressive et compensée «en partie» par des mesures salariales.
Informations aussitôt démenties par l'Elysée: «Aucune décision n'a été prise concernant les retraites.» «Le gouvernement ne dira rien sur la réforme des retraites avant la fin du mois de juin. En réalité, le projet sur lequel il travaille est très avancé», écrit ainsi François Fressoz (Le Monde).

L'âge légal de départ en retraite, fixé à 60 ans en 1983, va donc être repoussé – dès le mois de janvier, nous vous expliquions que c'était la piste privilégiée du gouvernement. De fait, reculer ce «tabou symbolique», dixit Laurence Parisot, la patronne du Medef, permettrait de faire entrer de l'argent dans les caisses. Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a calculé qu'un report à 62 ans en 2016 réduirait le déficit de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse de 6,6 milliards d'euros par an: presque le déficit de 2009 (7 milliards). Une garantie donnée à Bruxelles et aux marchés que la France a bien l'intention de réduire ses déficits.

Cette perspective fait bondir la gauche. Après avoir tergiversé, le PS a choisi de défendre la retraite à 60 ans. Dominique Strauss-Kahn, le patron du FMI, suscite la colère de son parti lorsqu'il considère que l'âge légal à 60 ans n'est pas «un dogme». Plusieurs syndicats appellent à manifester jeudi 27 mai pour défendre ce qu'ils apparentent à un acquis social.

En l'espèce, les deux camps se trompent. Ces postures médiatiques et tactiques (il faut un message simple pour faire vivre le clivage droite-gauche et envoyer des signaux à la base, qu'elle soit politique ou syndicale) contribuent à obscurcir le débat plutôt qu'à l'éclairer. Mettre en avant l'âge légal de départ revient en effet à aborder l'affaire des retraites à l'envers. Par le tout petit bout de la lorgnette.

Sous-emploi des seniors: un «problème majeur» selon l'OCDE

D'abord, une précision sur les termes. La barrière des 60 ans n'est rien d'autre que l'âge auquel il est possible de faire valoir ses droits à la retraite, même s'il manque des trimestres de cotisation. C'est un droit, pas la garantie d'une retraite complète (c'est à 65 ans).

Dans le privé, les salariés partent à la retraite plus tard (61,5 ans en moyenne). Mais ils quittent réellement le marché du travail plus tôt: 58,7 ans pour les hommes et 59,5 ans pour les femmes, selon l'OCDE. Entre les deux? Beaucoup sont au chômage, en inactivité, sans ressources, en invalidité, dans des dispositifs transitoires...

Dans le mensuel Alternatives économiques, l'économiste Thomas Piketty résume: «Repousser l'âge légal de départ à la retraite à taux plein au-delà de 60 ans, dans le contexte actuel, c'est d'abord un moyen de récupérer très vite un ou deux milliards sur le dos des plus fragiles. Plus de la moitié des personnes, à l'heure de valider leurs droits à la retraite, sont aujourd'hui hors l'emploi. [...] C'est injuste socialement et ça ne règle rien.»

En réalité, le sujet fondamental est moins l'âge légal de départ à la retraite que l'emploi des 55-64 ans, très faible en France (39%). Un «problème majeur», selon Martine Durand, directrice de la statistique à l'OCDE, qui explique la «difficulté à réformer les retraites en France».

«Tant que l'âge légal et l'emploi des seniors ne seront pas considérés ensemble, le problème restera entier», déclarait-elle récemment devant l'Association des journalistes de l'association sociale. En cause, une sorte de consensus national dont les “seniors” sont les victimes.

Restructurations où ils font systématiquement partie des charrettes, préretraites d'entreprises... «Entreprises et syndicats sont d'accord pour faire partir les seniors parce que les conditions de travail pour eux ne sont pas bonnes et l'on ne souhaite plus travailler après un certain âge», poursuit Martine Durand.

En 2008, une étude de la Cnav le montrait bien: la majorité de ceux qui décidaient de faire valoir leur droit à la retraite justifiaient leur décision par la «dégradation de leur condition de travail, la détérioration du climat professionnel (manque de reconnaissance et de considération, perte d'une ambiance sereine et conviviale engendrée par la course à la rentabilité et aux performances...) et de la pénibilité physique mais également psychologique du travail (stress, lassitude envers les tâches effectuées...)».

Les entreprises de plus de 50 salariés avaient jusqu'au 1er avril 2010 pour signer des plans favorisant l'emploi des seniors, sous peine de sanction financière. Mais rien ne dit qu'ils seront efficients, ou que certaines ne les ont pas bouclés à la hâte pour échapper aux pénalités. Et rien n'est prévu dans les autres entreprises... qui emploient un salarié sur deux!

Repousser l'âge légal : tout sauf une solution miracle

Pour justifier un recul de l'âge légal, le gouvernement dispose d'une batterie d'arguments statistiques, à première vue imparables (car extrêmement simples à comprendre):

1. L'âge légal en France est plus bas que partout ailleurs en Europe. C'est vrai. La France est le seul pays de l'UE à 27 où l'on peut partir dès 60 ans. Dans quinze pays (Allemagne, Belgique, Espagne, Pays-Bas), il est de 65 ans ou plus.

2. Les Français sont ceux qui passent le plus de temps de leur vie à la retraite. Vrai, là encore: 24,5 ans pour les hommes et 28 ans pour les femmes! C'est respectivement 18,3 ans et 23 ans en moyenne dans les 30 pays industrialisés de l'OCDE. «C'est très bien pour les Français, mais cela pose le problème du financement», soutient Monika Queisser, experte de l'OCDE. Pour rappel, le gouvernement ne veut pas de «hausse générale» des prélèvements..., même s'il va écorner le bouclier fiscal avec la taxe sur les hauts revenus (encore un symbole!)

3. Sans parler d'âge légal, la barrière des 60 ans comme horizon de la retraite n'a plus de sens. Presque une tautologie: la durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein sera de 41 ans en 2012, en relation avec l'allongement de l'espérance de vie. Pour ceux qui entrent aujourd'hui sur le marché du travail après plusieurs années d'études, la retraite autour de 60 ans a donc déjà quelque chose de délicieusement suranné...

Mais en insistant sur ces faits statistiques, on risque d'occulter d'autres réalités, tout aussi cruciales.

1. La comparaison entre pays est discutable. «L'âge de départ minimal n'est pas la variable clef dans un système de retraite, explique dans Le Monde Philippe Askenazy, directeur de recherches au CNRS. Ce sont surtout le nombre d'années de cotisation, le rendement de ces dernières, les mécanismes de sur-cotes et sous-cotes, et les efforts des entreprises pour conserver les plus de 55 ans dans leurs effectifs, qui jouent sur l'équilibre du système et font office d'incitations à poursuivre une activité au-delà de 60 ans. Un Japonais touche ainsi 70% de sa pension de régime de base à 60 ans, mais 140% s'il part à 70 ans.»

2. Une augmentation de l'âge légal n'aurait aucun sens sans une prise en compte de la pénibilité du travail. Le gouvernement s'est engagé à le faire. Mais le dossier ne sera sans doute pas réglé d'ici juin ou septembre, tant il est complexe.

3. Si repousser l'âge légal est sans doute une condition nécessaire pour augmenter l'âge de départ effectif (et donc, in fine, améliorer mécaniquement les ressources financières du système de retraites), c'est loin d'être une solution miracle.

Reculer l'âge légal de départ permet de reculer l'âge de départ effectif, comme l'ont montré en 2006 plusieurs économistes dans un rapport du Conseil d'analyse économique. «Quand l'âge légal est très bas, il s'agit de toute évidence d'une marque psychologique», estime Monika Queisser: les salariés anticipent leur départ, les entreprises investissent moins sur leurs seniors.

Mais ce lien n'est pas mécanique. Relever l'âge légal ne suffit pas. L'exemple de la Finlande est à ce titre édifiant: le gouvernement a réussi à augmenter le taux d'emploi des 55-64 ans de 11% en quinze ans, et à augmenter l'âge médian de sortie du marché du travail. Comment? Au prix d'une «politique de l'emploi ciblée sur les plus de 45 ans, avec un gros investissement public pour combler leurs déficits de formation, y compris les non-diplômés et dans les PME», explique la sociologue de l'Ehess Anne-Marie Guillemard, sur le site de la Vie des Idées.

Conclusion : la formation tout au long de la vie, la place faite aux salariés les moins jeunes, le sens même du travail, sont des facteurs aussi importants à prendre en compte pour mener une réforme équitable des retraites. Le parti socialiste, qui défend l'âge légal à 60 ans pour des motifs de stratégie politique (afficher une posture classique de gauche), l'a d'ailleurs reconnu en consacrant un long chapitre de son projet à la nécessité de s'inspirer des pays scandicaves pour réformer notre système de formation.

Voilà des sujets qui ne se règlent pas par des slogans ni en trois mois, mais par de longues discussions entre partenaires sociaux, de plusieurs années parfois comme ce fut le cas dans les pays scandinaves. Une négociation de longue haleine dont la France semble, malheureusement, tout à fait incapable.
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Régis

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