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Jeunes, seniors, travail: les impasses de la réforme des retraites

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16062010

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Jeunes, seniors, travail: les impasses de la réforme des retraites Empty Jeunes, seniors, travail: les impasses de la réforme des retraites




mediapart.fr

C'est officiel depuis ce mercredi matin, 8h30: le gouvernement va reculer l'âge légal, à partir duquel il est possible de partir à la retraite, à 62 ans en 2018. L'âge de départ à taux plein, 65 ans aujourd'hui, est reculé à 67 ans. La mesure risque de pénaliser d'abord les salariés aux carrières hachées, les femmes, chômeurs et intérimaires.

Pour le gouvernement, reculer l'âge légal de départ a l'avantage politique de renforcer le clivage gauche-droite. Et permet de rassurer les marchés sur les capacités de la France à faire des économies, puisque cela rapporterait 19 milliards d'euros par an d'ici 2018. Mais cette réforme rate l'essentiel.

Cliquer ici pour télécharger ici le projet gouvernemental (pdf)

Il aurait été plus judicieux de se pencher sur quelques sujets qui plombent vraiment notre système de retraites: cette détestable habitude qu'ont pris les employeurs français de se débarrasser de leurs salariés âgés, ou la difficulté des jeunes pour s'insérer dans l'emploi.

Certes, les comptes des régimes de retraite ont été plombés par la crise. Mais d'autres maux, structurels ceux-là, empêchent les caisses de retraite d'être mieux remplies: les jeunes entrent tard dans la vie active, les 30-50 ans sont surexploités au travail puis en sont chassés tôt. Les salariés français se sentent mal au travail et partent dès qu'ils le peuvent: c'est autant de cotisations en moins, et des pensions en plus sur le dos des actifs.

Pour évoquer ces sujets passés sous silence, Mediapart a interrogé trois spécialistes: Monika Queisser, de l'OCDE, Catherine Pollak, du Centre d'économie de la Sorbonne, et Anne-Marie Guillemard, sociologue à Paris-Descartes, auteur de l'Age de l'emploi (2003), ouvrage de référence sur le travail et le vieillissement.

Le «piège» des 60 ans

Anne-Marie Guillemard n'arrive toujours pas à croire que «la gauche ait pu se laisser enfermer dans le piège des 60 ans». Le PS et les syndicats ont en effet choisi de défendre ce symbole inscrit au Panthéon des acquis sociaux de la gauche. Attention: elle ne nie pas les conséquences du report de l'âge légal. Elle aurait juste souhaité que la gauche s'affranchisse du cadre idéologique proposé par le gouvernement.

«Evidemment cette réforme risque d'accroître les inégalités. Si on la fait payer par ceux qui ont des carrières longues, c'est même une réforme de classe», estime la sociologue. Elle évoque une «double peine» pour les ouvriers, dont l'espérance de vie est de sept ans inférieure à celle d'un cadre, selon l'Ined.

Pour autant, Anne-Marie Guillemard ne regrettera pas l'âge légal à 60 ans. La réforme (elle date de 1982, sous Mitterrand) était «inéquitable», dit-elle: en instaurant un âge pour tous (60 ans, contre 65 auparavant), elle a contribué à gommer les différences d'espérance de vie entre les différentes catégories socio-professionnelles.

Au passage, la sociologue égratigne le mythe de l'acquis social. Anne-Marie Guillemard sait de quoi elle parle: elle était alors conseillère technique au gouvernement: «Les prévisionnistes du ministère de l'économie avaient compris que la généralisation des préretraites allait coûter très cher. Du coup, ils ont poussé pour les 60 ans.» La sociologue se rappelle qu'un négociateur de la CGT avait tonné: «L'abaissement de l'âge légal de la retraite, ce sera une arme aux mains des patrons!» Trente ans après, la prophétie semble se réaliser...

«La retraite à 60 ans était une bêtise qu'aucun pays n'a imité», tempête Anne-Marie Guillemard. Couplé aux préretraites qui ont perduré, cela a eu comme conséquence de faire des quinquas des pestiférés. «La première des discriminations dans l'emploi, c'est l'âge. Dans les entreprises, l'horizon reste encore l'âge de la prétretraite.»

La retraite à 60 ans a contribué, dit-elle, à la généralisation d'un modèle de carrière tout sauf harmonieux: les salariés peinent pour entrer sur le marché du travail; ils travaillent comme des fous entre 30 et 50 ans, puis sont expulsés du marché du travail jeunes, souvent lessivés. «Cette structuration du marché du travail est bien une particularité française», martèle Monika Queisser, de l'OCDE.

«Notre système s'est avéré formidable pour réduire la pauvreté des retraités mais il s'est transformé en vaste système de congés payés obligatoires accumulés en fin de carrière.» L'espérance de vie à la retraite, 25 ans en France, est la plus élevée des pays de l'OCDE.

Grossesses plus tardives, modèles familiaux multiples, styles de vie de plus en plus diversifiés... «Les parcours sont aujourd'hui très individualisés. On ne peut plus imposer un âge standard comme avant. Au contraire, cela suppose des stratégies différenciées.» En bref: une retraite à la carte, qui permette à ceux qui ont travaillé tôt de partir très tôt, et aux cadres supérieurs de travailler longtemps s'ils en ont envie.

Seniors : rien de nouveau

Seuls 39% des 55-64 ans travaillent, ce qui classe la France dans le peloton de queue en Europe. Le taux d'emploi s'effondre même après 60 ans – seulement 17%. Les mauvaises habitudes ont été prises dans les années 70, quand un «consensus national visant à faire partir les salariés tôt s'est mis en place», explique Catherine Pollak, chercheuse au Centre d'économie de la Sorbonne.

Une catastrophe, selon Anne-Marie Guillemard: «Augmenter l'emploi des seniors représente un double dividende pour le financement des retraites: le nombre de cotisants augmente, celui des pensionnés diminue.» En 2003, la loi Fillon avait allongé la durée de cotisation (40 ans pour tous, 41 ans en 2012, 41,5 en 2020). «On aurait pu espérer alors que la France se saisirait de ce sujet. Mais depuis, l'âge médian de sortie du marché du travail est toujours de 58 ans. On a simplement repoussé l'âge réel de départ en retraite (61,5 ans). Bref, on n'a fait qu'augmenter le temps de latence entre le dernier emploi et la retraite.» Six salariés sur dix qui font valoir leurs droits à la retraite ne sont déjà plus en emploi...

Le plan seniors de 2006, «trop peu doté», n'a fait que prouver «l'absence de volontarisme politique», poursuit-elle. Début 2010, le gouvernement a incité les entreprises à signer des accords, mais ils sont bien souvent «creux», comme le racontent ces médecins du travail.

L'exécutif estime que le taux d'emploi des plus de 55 ans va mécaniquement remonter si l'âge légal est repoussé. «Ce raisonnement ne vaut que si l'on considère que les seniors choisissent le moment où ils partent, estime Catherine Pollak. Or cette décision peut être fortement contrainte par l'entreprise.» Elle doute de l'efficacité des mesures envisagées dans le projet du gouvernement, comme l'exonération des charges pour des embauches de seniors. «L'impact risque de ne pas être très fort, car la question du coût du travail n'est pas déterminante», estime Catherine Pollak.

Solution? Adopter, comme certains pays nordiques (Finlande, Suède, Danemark, Pays-Bas, etc.), une stratégie du «vieillissement actif» qui a fait grimper leur taux d'emploi des seniors. L'OFCE la résumait ainsi dans un rapport de 2008: «Le vieillissement actif organise une mobilisation sociale afin d'augmenter les emplois disponibles pour les seniors et d'inciter ceux-ci à prolonger leurs carrières: amélioration des conditions de travail, formation permanente, refonte des carrières, lutte contre les discriminations liées à l'âge, campagne de sensibilisation, accords au niveau des branches et des entreprises.» Le rapport concluait: «La France n'a guère cette tradition d'accord entre État et partenaires sociaux.» Et la formation pour les salariés les plus âgés fait défaut: au-delà de 40 ans, elle diminue drastiquement, alors que c'est à cet âge qu'elle devrait augmenter...

«On parle beaucoup de modèle scandinave, mais il n'y a pas vraiment de recette miracle, nuance Monika Queisser de l'OCDE. En revanche, il est clair que la France doit développer la formation, les temps partiels pour les salariés âgés. Les entreprises doivent faire des efforts pour les garder dans l'emploi.»

Entre coercition et laisser-faire, peut-être s'agirait-il de faire comprendre aux entreprises qu'elles ont intérêt à garder les compétences. Surtout en ce moment, où les baby-boomers partent massivement en retraite, ce qui va très vite poser la question de la transmission des savoir-faire. «En 2006, on avait mis en place un CDD seniors, raconte Anne-Marie Guillemard. Ça n'a pas marché. Les entreprises ne sont pas là pour faire des actions citoyennes. Ce sont des unités de profit: il faut leur prouver que mieux gérer les carrières n'est pas qu'une contrainte, que ça peut aussi être bénéfique pour elles.»

Jeunes : les grands absents

Comme Nicolas (photo), ils sont les retraités des années 2050. Les moins de 25 ans ont pourtant été les grands absents de ce débat sur les retraites. Certains comme le démographe Emmanuel Todd ont souligné l'absurdité de ce débat sans jeunes. «Un économiste venu de Mars ne comprendrait pas que la planète France débatte de la manière d'augmenter la durée du travail dans l'avenir pour des personnes ayant déjà un certain âge, alors qu'on ne parvient pas à donner aujourd'hui du travail aux jeunes», expliquait-il au Progrès, déplorant «la place épouvantable qui est faite aux jeunes: ils ont en général un niveau d'études beaucoup plus élevé que les générations précédentes, et ils sont maltraités en termes d'emploi et de salaire. Or je suis désolé d'être obligé de le rappeler: l'avenir d'une société, ce sont ses jeunes, pas ses vieux!»

Les chiffres lui donnent raison. Un jeune de moins de 25 ans sur quatre est sans emploi – chiffre à relativiser, car beaucoup font des études. La crise a assombri leurs perspectives, y compris pour les plus diplômés. Et eux savent très bien qu'ils travailleront bien au-delà de 60 ans... Est-ce, comme le soutient le sociologue Louis Chauvel, parce que les jeunes sont sous-représentés dans les partis et les syndicats qu'on n'entend pas parler d'eux?

Cette absence est «très grave, d'après Anne-Marie Guillemard. C'est la meilleure façon de saper la légitimité du système par répartition, qui ne marche que si toutes les générations y croient.» La sociologue estime urgent de «refonder un pacte entre générations pour l'emploi et la retraite». Comme en 1945: «Les vieux se sont vu garantir quelques années de bonheur modeste, en échange les jeunes accédaient à l'emploi à vie.» Avec l'allongement de l'espérance de vie, la diversité des parcours professionnels et des expériences, ce cadre a volé en éclats. Pour l'instant, rien ne l'a remplacé.

Et le travail dans tout ça ?

Un débat sur les retraites qui ne questionne pas le travail? Impossible, a priori. C'est pourtant ce qui se passe depuis trois mois. Et c'est bien dommage, car la question des conditions de travail est centrale. De fait, si les salariés français ne souhaitent pas prolonger leur activité au-delà de 60 ans, c'est d'abord à cause de l'intensification des cadences, du stress, du sentiment d'isolement ou du manque de reconnaissance.

Catherine Pollak a décortiqué plusieurs enquêtes européennes sur les conditions de travail. Verdict: la France fait partie des mauvais élèves, qu'il s'agisse du nombre de pénibilités auxquelles sont exposés les plus de 45 ans ou du sentiment qu'il leur sera possible de travailler après 60 ans. «La France a des performances proches des pays du Sud, loin des pays d'Europe du Nord qui sont en tête, explique la chercheuse. Les salariés français n'ont pas forcément de contraintes physiques, mais ils indiquent être moins récompensés.»

Pourtant, le projet gouvernemental ne dit rien des conditions de travail. On sait en revanche que la pénibilité sera évoquée. Mais le ministre ne souhaite l'aborder qu'au cas par cas, et entend gratifier de compensations les «marques physiques». Les syndicats réclament, eux, une prise en compte par branche professionnelle. Une grande partie des problèmes quotidiens dans les entreprises risquent d'être passés à la trappe, certaines pénibilités occultées.

Pas un mot non plus sur l'accès à l'invalidité, assez restreint en France: il ne représente que 1,8% du PIB en France, contre plus de 4% en Suède et au Danemark. Pourtant, si les conditions de travail restent aussi dures, le nombre de gens en incapacité risque d'augmenter avec le recul de la durée d'activité.

Enfin, la souffrance au travail est carrément oubliée dans cette réforme. Pourtant, «dans les pays de l'OCDE, les problèmes de santé mentale sont ceux qui progressent le plus», affirme Monika Queisser.
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Régis

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